Bref… du coup… j’ai été au hammam

Mariée à un fanatique du hammam (aussi appelé bain maure ou bain turc, je précise pour les non-initiés), je ne pratique moi-même pas vraiment. Ou très rarement. Vingt ans au Maroc, et je n’ai toujours pas trouvé le déclic qui me ferait attendre avec impatience ma prochaine séance dans ce haut lieu du self-care local.


Pourtant, j’y suis allée 3 fois dans les 2 mois qui viennent de passer. Un exploit. Je ne pense pas y avoir été autant dans les 10 dernières années. Pas plus en tous cas. Et quand j’y suis allée, c’était uniquement pour aller bitch avec les copines dans cette atmosphère humide. Pas pour avoir la peau douce.

Mais voilà, ma chère et tendre fille, après 18 ans au Maroc et 18 ans à ne pas spécialement aimer le hammam, a décidé de “embrace” sa marocanité
(depuis qu'elle n'y habite plus quoi) et a eu une envie soudaine. J’y suis retournée pas longtemps après avec ma copine L. Me voilà donc à la caisse de hammams plutôt dans la branche “classos” de la place casablancaise (pas au bain public quoi), à débourser mes dirhams pour aller cuire à petit feu à la vapeur façon cocotte-minute et me faire racler la couenne à la gratounette. Bonheur en perspective.

Ma conclusion est la suivante: ça colle, ça tourne la tête, et ça fait mal, mais c’est une expérience qu’il faut vivre dans sa vie. Même que tu y retournes. Même si tu payes pour.

Mais tout ça mérite quelques commentaires. Tous ces commentaires qui se battent dans ma tête quand j’y suis. J’aimerais pouvoir ramener un carnet et un stylo à l’intérieur pour noter mes impressions à chaud. A chaud. Elle est bonne.

Alors au hammam, tu as un enchaînement pré-établi, un peu rituel. Il faut faire les choses dans l’ordre quoi. Sinon ça ne marche pas. N’hésitez pas à me reprendre hein. Je suis novice malgré mon grand âge.

A poil
(en slip ça va bien). Rejoindre les salles chaudes sans se ramasser par terre (c’est mouillé du sol au plafond). Passage à la cocotte-minute vapeur (les salles de vapeur quoi, qui vont de "chaud" à "insupportable"). Tartinage au savon noir (attention pas dans les yeux, ça pique du feu de Dieu). Mijotage dans la vapeur (avec un petit défi au passage: ne pas s’évanouir). Puis passage sur le billard dans les mains des kessal ladies pour une délicate séance de gommage tout en douceur (pour ceux et celles qui n’auraient pas relevé l’ironie, c’en est, j’y reviendrai). Pour celles qui ont opté pour le fameux savonnage, s'ensuit alors quelque chose entre le massage et le pétrissage, option massage anti-cellulite (si tu as déjà essayé le massage anti-cellulite, tu comprendras). Personnellement, j’ai désormais choisi de m’épargner cette épreuve étape. Surtout que les étirements et autres manipulations du "savonnage" (relevant plus de la kinésithérapie) ne m’ont pas toujours fait du bien. Enfin, rincage au seau ou au tuyau (selon les installations disponibles).

A toi ensuite de terminer ta toilette, option avec ou sans slip, aux nombreux robinets des lieux, à l’aide du petit seau fourni et de tes petits produits qui macèrent dans ta trousse de toilette posée depuis une heure dans une grande flaque d’eau. Shampoing, brossage, après-shampoing, re-brossage, masque, brossage, lavage, savonnage, rasage, brossage des dents, bref, tout ce qui finit en -age. Tout ce qui peut se nettoyer peut y passer sans exception. C’est à la carte et selon les plaisirs et les désirs de chacune.

Attention hein, n’allez pas mal prendre mes propos. Dans l’absolu, c’est une expérience géniale. La preuve, on y retourne. Et puis surtout avec une copine à qui parler, c’est parfait. 

Mais une fois que tu as balancé tous tes potins, que tu as bien raconté ta vie personnelle dans tous ses détails à ta compère de hammam dans la salle de vapeur sans même la voir (pour te rendre compte en sortant qu’il y avait d’autres personnes à même pas un mètre), tu te retrouves face à toi-même sur la table de gommage, à discuter avec tes 1000 petites voix intérieures. Pendant que ta fille ou ta copine est en train de discuter avec ses petites voix intérieures à elle. Oui, parce que hammam ou coiffeur, pour moi, même combat, j’ai pas envie de discuter.

La table de gommage, en marbre donc, dure, et qui fait mal parce que le marbre ça te rentre dans les os. Peu importe la quantité de graisse qui t’enveloppe. Elle glisse sa mère comme une patinoire et à chaque mouvement tu as peur de finir par terre. Et puis perso, j’ai gardé de ma première grossesse
(de celle plus haut là, celle qui m’a fait retourner au hammam de force) une tendance à me coincer le bas du dos dès que je m’allonge sur une surface plane et dur. Bref, on dirait que j’ai 100 ans quand je dois me retourner.

Tu vas rester là donc, à te faire commander
(tourne, assieds-toi, l’autre côté, debout, assieds-toi, debout), tout en te faisant manipuler les bras et les jambes comme un pantin. Et la dame va t’écorcher vive exfolier à l’aide d’un gant de gommage dont la douceur peut aller de celle de l’éponge spécial poêle en téflon (celle qui ne raye pas) à la paille de verre pour rattraper les casseroles dans lesquelles le fromage de la fondue a cramé (et qui pourrait rayer une vitre donc). Elle va t’exfolier dans tous les coins. Et tous les recoins. Même que parfois je me suis demandé si j’allais pas lui dire “héhoooo, doucement les coiiiiiins-coins”.

Et la dame
(respect à toutes ces dames d’ailleurs, de travailler toute la journée dans cet espace humide et surchauffé), des fois elle est sympa et délicate, et des fois elle est un peu moins sympa et moins délicate. Quand elle te frotte avec ton gant de gommage, tu te demande parfois quel est son véritable but: juste de t’enlever les peaux mortes ou alors te faire perdre 2 cm de tour de cuisse et 10 de ventre instantanément. Tu te demandes si elle passe pas toutes ses frustrations et ses colères enfouies sur toi. Et tu demandes ce qu’il se passe dans sa tête à elle, là, juste maintenant? Ses voix à elle, elles disent quoi? “Tu vas voir toi, je vais te faire regretter d’être venue”? Ou alors j’ai rien compris à rien. Et elle estime que tant qu’elle ne t’aura pas extirpé des macaronis de peaux mortes de ton corps (les vermicelles c’est pour les débutantes), et bien elle n’aura pas fait son travail correctement.

Bref, une fois raclée de partout, la peau à vif, les os douloureux, tu peux aller t’asseoir faire le reste de ta routine en -age, sans avoir peur de mettre de l’eau de partout. D’ailleurs, si on pouvait leur toucher deux mots sur la gestion économique des ressources hydriques aux petites dames, ça serait pas mal. Clairement, la quantité d’eau utilisée n’est pas comptée dans les performances.

Quant à la “salle de repos”, première étape de ta période post-hammam
(j’entends par là “ vieux légume tout mou”), c’est l’étape que je déteste le plus. Tout colle, tout est humide, tu as du mal à mettre ton slip, tu as du mal à mettre tes fringues, tu transpires, il fait froid quand tu sors (forcément tu arrives d’un espace chauffé à 70°C), tu crèves de chaud une fois que tu as passé ton tee-shirt, mais tu dois t’habiller sinon “radi derbik l’berd(= le froid va te taper), du coup ça colle encore plus. Bref… petite période de transition un peu désagréable pour ma part.

Et là, la gentille dame débarque comme par hasard dans ton champ de vision l’air de rien, genre “bsaha”, pour se rappeler à tes bons souvenirs. Pour le pourboire proportionnel à la taille de tes macaronis. C’est toujours le pire moment pour moi, je sais pas y faire avec ces histoires de petit billet dans la main. Faites-moi payer plus cher à l’entrée mais fichez-moi la paix ensuite.

Bref… je suis allée au hammam. Et avec ma copine, on a déjà planifié la prochaine séance. Le temps que notre épiderme cicatrise quoi.

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